Étude de cas: l’identification biométrique au Kenya

« La question principale était de savoir comment nous allions exploiter les forces de chacun pour travailler ensemble. Toutes les parties qui se sont engagées ont individuellement identifié leurs points forts et les ressources qu’elles pouvaient fournir ».  — Wakesho Kililo

Contexte

En janvier 2020, la Haute Cour du Kenya est devenue l’une des premières Cour constitutionnelles au monde à mettre un terme à la mise en œuvre d’un système gouvernemental d’identification biométrique numérique tout usage, le Système National Intégré de Gestion de l’Identité (« NIIMS »), également connu sous le nom de Huduma Namba. Cette décision est le résultat d’une requête déposée par trois organisations de la société civile, en collaboration avec sept autres parties intéressées qui avaient contesté les amendements introduisant le NIIMS pour de multiples raisons ; alléguant notamment des violations à la vie privée et le droit à l’égalité des citoyens kenyans. Dans son jugement, la Cour a retiré les données ADN et GPS de la définition légale de la « biométrie » afin de s’assurer que le gouvernement ne collecte pas de telles données sans base légale spécifique. En outre, quand bien même la Cour a confirmé la validité du NIIMS, sa mise en œuvre au Kenya a été conditionnée à l’adoption d’une loi solide sur la protection des données assortie de garanties adéquates. La Cour a également constaté la nécessité d’un cadre réglementaire clair pour les dispositions prévoyant la possibilité d’exclure certaines personnes de l’accès aux prestations sociales. Toutefois, elle n’a pas estimé que cette possibilité d’exclusion était en soi un motif suffisant pour déclarer le NIIMS inconstitutionnel.

La Haute Cour est un tribunal de première instance au Kenya, et au moment de la publication de cette étude de cas, ce jugement du 30 janvier 2020 était en appel.

Éléments clefs

Nom : Nubian Rights Forum & 2 autres c. Attorney General & 6 others

Tribunal : Court Suprême du Kenya

Date de décision : Janvier 30, 2020

Numéro de l’affaire : Nubian Rights Forum & 2 autres c. Attorney General & 6 autres; Child Welfare Society & 9 others (Tierces Parties) [2020] eKLR

Jugement : https://bit.ly/2AM9qv2

Sujet : La mise en œuvre de l’identification biométrique numérique nationale (suspendue et) subordonnée à un cadre solide de protection des données avec des garanties suffisantes.

Intervenants interviewés

Yasah Kimei| Administrateur de Projet à Nubian Rights Forum

Shafi Ali| Président Directeur Général à Nubian Rights Forum

Anand Venkatanarayanan| Directeur Financier à HasGeek

Ochiel J Dudley| Chargé de contentieux à Katiba Institute

Wakesho Kililo| Consultant juridique indépendant

Waikwa Wanyoike| Directeur du Contentieux à Open Society Justice Initiative

Laura Bingham| Chargée de contentieux Senior, Inclusion et Egalité àOpen Society Justice Initiative

Yussuf Bashir| Directeur à Haki na Sheria

Les faits

En novembre 2018, l’Assemblée nationale du Kenya adaptait plusieurs amendements à la Loi sur l’enregistrement des personnes (« la Loi ») par le biais de la Loi Statutaire de 2018 (amendements divers) (« La Loi d’amendement »). La Loi d’amendement a introduit le NIIMS par le biais de sa section 9A, laquelle visait à définir les bases d’un registre numérique de la population qui servirait pour le gouvernement de point unique d’identification des citoyens et des résidents.

Pour créer la base de données du NIIMS, une campagne d’enregistrement biométrique de 30 jours a été menée à l’échelle nationale, au cours de laquelle les citoyens et les résidents étrangers du Kenya ont été invités à fournir des informations personnelles sensibles, censées établir, vérifier et authentifier leur identité. Par la suite, un numéro d’identité unique leur a été attribué, connu sous le nom de Huduma Namba (numéro de service en swahili). Les informations biométriques personnelles requises comprenaient des images faciales et les empreintes digitales des dix doigts. Quand bien même la Loi d’amendement prévoyait aussi la collecte des ondes vocales, de l’ADN et des données GPS, celles-ci n’ont pas été recueillies à ce moment-là.

En quatre mois, des rapports gouvernementaux ont affirmé que plus de 31 millions de personnes s’étaient enregistrées pour l’obbtention d’un Huduma Namba. La campagne de sensibilisation du gouvernement s’est concentrée sur la transmission d’un message incitant la crainte, mettant en évidence les conséquences du non-enregistrement, notamment la perte d’accès à des services clés tels que les services bancaires, l’éducation et les soins de santé, entre autres.

Trois organisations de défense des droits de l’homme, le Forum des droits nubiens (« NRF »), la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya (« KNCHR ») et la Commission des droits de l’homme du Kenya (« KHRC »), ont déterminé que dans sa forme actuelle, le système NIIMS représentait une grave menace pour les droits humains. Elles ont déposé des requêtes indépendantes devant la Haute Cour kenyane pour contester la constitutionnalité du NIIMS. Plus tard, les requêtes ont été jointes et entendues ensemble par la Cour. La Law Society of Kenya, InformAction, HakiCentre, Muslims for Human Rights, Article 19 – East Africa et Inuka Trust se sont également jointes à la pétition en tant que tierces parties, et ont présenté des arguments aux côtés des pétitionnaires.

En avril 2019, la Cour a rendu un important arrêt provisoire imposant des restrictions considérables à la campagne d’enregistrement des Huduma Namba par le gouvernement. Elle a déclaré que, jusqu’au verdict final de l’affaire, l’enregistrement ne serait pas obligatoire, les données ADN et GPS ne seraient pas collectées et les Huduma Namba ne seraient pas reliées à des services publics ou partagées avec des tiers.

Suite à la requête et au débat public, le gouvernement a été contraint de publier en juillet 2019 le projet de loi Huduma Namba (« le Projet de loi »), contenant des procédures détaillées pour l’établissement et le fonctionnement du NIIMS. Le Projet de loi, qui à l’heure actuelle n’a pas encore été présenté au Parlement, visait à remplacer l’unique disposition de la loi d’amendement qui avait servi de base à la création de la base de données NIIMS. Le Projet de loi a été largement critiqué par les organisations de la société civile pour avoir sévèrement limité le droit à la vie privée.

La Cour a identifié trois points communs aux requêtes. Premièrement, la mise en œuvre du NIIMS a violé le droit à la vie privée des citoyens parce que les informations collectées étaient disproportionnées par rapport à l’objectif poursuivi. Cela s’appliquait d’autant plus qu’il n’existait pas de cadre clair de protection des données au Kenya. Deuxièmement, à l’instar du programme indien Aadhar, la mise en œuvre du NIIMS pouvait causer à la fois des violations spécifiques des droits humains telles que la discrimination à l’encontre de la communauté nubienne, et l’exclusion en raison de données biométriques insuffisantes ou manquantes. Les pétitionnaires ont souligné que la communauté nubienne, qui a connu une histoire d’apatridie, de sous-représentation et de privation des libertés fondamentales au Kenya, était la plus exposée au risque d’exclusion fondée sur la discrimination.  Troisièmement, la procédure de création de Huduma Namba par l’adoption d’une Loi d’amendement divers et l’octroi de sept jours seulement pour la participation du public sur la Loi a été marquée d’irrégularités.

Le jugement devait être rendu le 18 décembre 2019, mais en novembre 2019, le gouvernement a promulgué la première loi kenyane sur la protection des données. Dans ce contexte, la Cour a demandé aux deux parties de présenter des commentaires écrits sur l’impact de la nouvelle loi sur la protection des données sur leur affaire, et a reporté son jugement au 30 janvier 2020.

Résultats

Dans son jugement du 30 janvier 2020, la Haute Cour a réaffirmé la constitutionnalité du NIIMS et a confirmé la légalité procédurale de sa création par la Loi d’amendement. Nonobstant, le jugement contient quelques victoires remarquables pour les droits numériques au Kenya. Tout d’abord, la Cour a réitéré et réaffirmé l’importance d’un cadre solide de protection des données en suspendant le processus d’inscription du NIIMS jusqu’à la mise en place d’une législation adéquate en matière de protection des données (paragraphe 1035). Deuxièmement, la collecte de données ADN et GPS a été jugée injustifiable et intrusive, en particulier en raison de l’absence d’une législation spécifique détaillant les garanties appropriées pour leur collecte (paragraphe 1039). 

Un pas manqué dans le jugement est le manque d’engagement adéquat de la Cour sur les questions d’exclusion et de discrimination, en particulier la non prise en compte et application des garanties de la Constitution kenyane contre la discrimination indirecte et historique. Bien qu’elle ait précisé qu’il était nécessaire de mettre en place un cadre réglementaire solide pour adresser le risque d’exclusion lié au NIIMS, la Cour n’a pas estimé que cela constituait en soi une raison suffisante pour conclure que le NIIMS était inconstitutionnel (paragraphe 1045).

En février 2019, le Nubian Rights Forum a déposé un recours en appel devant la Cour d’appel, sur la base de quatre questions principales. Tout d’abord, l’appel plaidait pour le réexamen de la question de la discrimination à l’encontre de la communauté nubienne. Deuxièmement, il sollicitait un réexamen de l’abstention de la Cour à se positionner sur le cadre de protection de la vie privée et la structure technique du NIIMS. Troisièmement, l’appel invitait la Cour à reconsidérer les irrégularités de procédure dans la promulgation des amendements, et enfin, il demandait un sursis à la mise en œuvre de tout aspect du Huduma Namba jusqu’à ce que le gouvernement se conforme aux exigences du cadre de protection des données établies par la Haute Cour.

Collaboration

Cette affaire a démontré que des partenariats solides entre les organisations de la société civile et l’engagement public peuvent catalyser l’élaboration de réglementations. Comme l’a noté Shafi Ali, le directeur général du Nubian Rights Forum, « la requête a fait pression sur le gouvernement pour qu’il publie une loi de fond sur le Huduma Namba et qu’il promulgue une loi sur la protection des données au Kenya, une cause poursuivie pendant plus de dix ans au Kenya ».

L’urgence de collaborer et de déposer les requêtes dès que possible est apparue ; puisque le gouvernement a lancé un projet pilote pour le NIIMS presque immédiatement après l’adoption du Projet d’amendement et que Kibera, où vivent de nombreux Nubiens, a été choisi comme l’un des sites pilotes. Laura Bingham, juriste principale chargée de l’égalité et de l’inclusion à l’Open Society Justice Initiative, qui a contribué aux aspects juridiques et stratégiques de l’affaire au sein de l’équipe juridique du NRF, a souligné l’importance de la confiance dans la collaboration. Elle a déclaré : « En février 2019, nous avons tenu plusieurs réunions de coalition pour élaborer une stratégie et discuter des revendications juridiques, et le soir, nous avons structuré, rédigé et affiné les requêtes ». Elle a ajouté : « Nous avons mis les requêtes en place dans un délai de 36 heures. Un élément clé qui a rendu cela possible a été la relation de collaboration et de confiance préexistante entre les organisations ».

Après avoir déposé les requêtes, chacun des trois pétitionnaires s’est efforcé de tirer parti de ses points forts respectifs pour faire avancer l’affaire. Le NRF a travaillé sur la mobilisation de la communauté locale afin de sensibiliser la communauté nubienne à la discrimination systémique dont elle fait l’objet sur les questions de citoyenneté, et de sa capacité à se voir attribuer Huduma Namba. Le KHRC a capitalisé sur sa force en matière de défense des droits humains et s’est engagé dans la mobilisation communautaire nationale par le biais de campagnes dans les médias sociaux et de groupes WhatsApp à l’échelle nationale. Le troisième pétitionnaire, le KNCHR, a pu s’engager officiellement auprès du gouvernement sur les questions d’inclusion et de confidentialité des données.

Au fil de la campagne, de nombreuses autres organisations de la société civile se sont jointes. De plus en plus d’organisations et de parties ayant manifesté leur intérêt pour l’affaire, il est apparu nécessaire de définir plus clairement les rôles. Les membres ont tenu une réunion stratégique en juillet 2019, au cours de laquelle ils se sont accordés sur une structuration en trois équipes distinctes pour une meilleure coordination et une plus grande responsabilité : l’équipe chargée des médias et de la communication, l’équipe chargée de l’engagement parlementaire et l’équipe juridique.

L’équipe médias et communication a été extrêmement active et a constamment élaboré des stratégies permettant la participation de davantage de citoyens. « Depuis que nous avons initié l’affaire contre Huduma Namba, nous avons été confrontés à un black-out des médias nationaux. Cela est dû au fait que beaucoup de grands médias au Kenya sont contrôlés par les mêmes personnes qui font avancer l’agenda de Huduma Namba. C’est pourquoi nous comptions sur une rencontre en personne avec les membres de la communauté pour les sensibiliser aux problèmes posés par Huduma Namba », a déclaré Yasah Kimei, administrateur de projet pour le NRF. Pour cette raison, chaque organisation de la société civile impliquée dans cette affaire a organisé des forums communautaires pour faire participer le public. Yussuf Bashir, directeur de l’Initiative Haki na Sheria et avocat principal de la NRF, a rappelé : « Nous avons organisé des forums communautaires dans des zones particulièrement marginalisées afin de sensibiliser les communautés qui étaient victimes de discrimination ». La NRF s’est également exprimée sur les radios locales et communautaires, pour atteindre la communauté nubienne. L’équipe des médias et communications a également rédigé des points de discussion, afin que toute personne s’adressant à des journalistes internationaux puisse le faire d’une seule voix unanime. Ils ont également mené une campagne d’information sur Twitter, dont les autres parties prenantes ont fait la promotion.

L’équipe a également pris des mesures permettant de poursuivre l’engagement de la communauté tout au long de l’audition des requêtes à la Cour. Les pétitionnaires ont suivi les procédures en direct, les médias ont été invités à la Cour et, chaque jour du procès, différents membres de la communauté nubienne ont occupé le dernier banc de la salle d’audience, pour rappeler par une déclaration visuelle symbolique, que les Nubiens étaient des citoyens égaux du Kenya.

Dans le même temps, l’équipe d’engagement parlementaire a fait avancer sa cause pour que le groupe parlementaire sur l’apatrie débatte d’un système d’identification plus sûr et plus inclusif. L’équipe a pris contact avec les députés qui étaient favorables à la campagne et les a encouragés à soulever ces questions au sein du groupe parlementaire. Lawyer’s Hub, une organisation au Kenya qui promeut l’accès à la justice par l’innovation et la technologie, a organisé un hackathon d’élaboration de politiques sur le projet de loi Huduma Namba. « L’objectif était d’élaborer un projet de loi type qui pourrait être présenté au gouvernement pour un engagement parlementaire plus poussé », a déclaré Wakesho Kililo, consultant juridique travaillant avec Lawyer’s Hub sur cette affaire.

Cependant, cette forme de plaidoyer n’a pas permis de faire beaucoup progresser la cause. Ali attribue en partie cette situation au fonctionnement opaque du gouvernement. Il admet : « Il y avait un groupe parlementaire dans lequel nous nous sommes assis avec le Secrétaire du cabinet pour l’intérieur. Il s’est engagé avec nous et a promis de résoudre les problèmes de discrimination au sein du NIIMS dans les trois mois. C’était en août 2019 et, aujourd’hui encore, rien n’a été fait. En disant cela, il a souligné l’importance de travailler dans une coalition pour la diversification des tactiques et des approches. Grâce à leur force numérique, plusieurs approches de l’engagement public et du plaidoyer pourraient être adoptées pour obtenir des résultats de la campagne.

Enfin, l’équipe juridique a représenté les requérants devant la Cour. Ils étaient chargés des procédures judiciaires, notamment de la rédaction et de l’examen des documents juridiques, de la présentation des plaidoiries et de la conduite des interrogatoires et contre-interrogatoires. Etant donné que cette affaire présentait de nombreux arguments portant sur les lacunes techniques du NIIMS, l’équipe juridique s’est maintenue en contact permanent avec des experts techniques, dont Anand Venkatanarayanan, expert en cybersécurité, et le Dr Tom Fisher, chargé de recherche principal à Privacy International. Tous deux ont travaillé bénévolement pour la campagne Huduma Namba en tant que témoins experts. Les avocats tenaient des réunions virtuelles avec Venkatanarayanan à la fin de chaque journée, lorsque les experts de la partie défenderesse présentaient des preuves. Ils informaient Venkatanarayanan des aspects techniques qui seraient présentés le lendemain et discutaient des témoignages des experts techniques de la partie défenderesse pour déterminer la ligne de contre-interrogatoire. Ces réunions entre les avocats et les experts techniques sont devenues une pratique courante au cours des cinq mois précédant le procès.

Waikwa Wanyoike, co-conseil de la NRF, a souligné l’importance de choisir les bons experts techniques. Il a fait remarquer que l’experte technique idéale n’est pas seulement une experte dans son domaine, mais elle est également impliquée dans les défis de droits humains que la technologie pose. M. Wanyoike a également rappelé qu’il est crucial que les avocats comprennent les aspects techniques pertinents de l’affaire : « C’est une compétence essentielle que de pouvoir écouter les aspects techniques de l’affaire que les experts présentent. Une fois que vous avez fait cela, vous identifiez alors les éléments techniques qui sont essentiels pour démontrer la théorie juridique que vous avez développée ».

« Cela ne peut pas être un processus où les avocats se présentent avec l’arrogance du savoir. Cela ne marchera pas comme cela. Pour commencer, les avocats doivent accepter le fait qu’ils sont des étudiants. Et puis, à un moment donné, ils pourraient prendre le relais et diriger le processus« , a déclaré M. Wanyoike.

Pour aider les avocats à s’approprier la technologie, M. Venkatanarayanan a souligné l’utilité de mettre de côté la précision technique au profit de principes plus larges que les avocats sont en mesure de comprendre. Il a déclaré que « les avocats visent la gloire constitutionnelle et ignorent parfois que c’est la technologie qui a rendu la plupart de leurs préoccupations pertinentes. » Par exemple, il est impossible de réparer un tuyau qui fuit en adoptant une loi qui stipule qu’aucun tuyau ne doit fuir. Il est donc important de continuer à leur dire de ne pas hésiter lorsqu’ils avancent des arguments technologiques ».

Il est important de noter que toutes les organisations et les personnes ayant collaboré n’ont pas participé à l’affaire en tant que telle. Le travail de Namati, une ONG d’initiative juridiques, est un excellent exemple d’un tel partenariat silencieux mais solide. Ils ont aidé à identifier les organisations dont la collaboration pourrait être bénéfique pour l’affaire, et à développer la campagne en organisant des conférences permettant de réunir les parties prenantes pour l’élaboration d’une stratégie. En outre, de nombreux consultants individuels, assistantes juridiques et organisations ont participé à la campagne et ont apporté leurs connaissances pour sensibiliser la communauté aux risques de Huduma Namba. Ainsi, l’arrêt du NIIMS est le résultat d’un rassemblement de la société civile pour une cause qui la transcende largement – assurer l’inclusion et la sécurité des données des Kenyans.

Leçons tirées

Cette campagne et son issue partiellement favorable ont été rendues possibles grâce à la collaboration de nombreux acteurs, petits et grands, qui ont su tirer parti de leurs points forts respectifs. Comme l’a mentionné M. Kililo, « presque dès que l’affaire a été déposée, elle a commencé à susciter de l’intérêt, de nombreuses organisations venant demander comment aider. »

La campagne s’est construite grâce aux points forts de toutes les parties concernées. Par exemple, puisque l’expertise d’InformAction est la vidéo de plaidoyer, ils ont réalisé des interviews vidéo d’avocates, de technologistes et de membres de la communauté nubienne pour mettre en lumière la situation critique des apatrides et la façon dont ils seraient affectés par Huduma Namba. Comme l’a souligné Kimei, « ce n’était pas toujours facile car nous étions tous des institutions différentes avec des stratégies et des plans différents. Cependant, nous avons mis de côté toutes nos différences et nous nous sommes concentrés uniquement sur l’élaboration d’une stratégie pour cette affaire ».

Pour la NRF, l’aspect le plus valorisant a été de voir à quel point la communauté nubienne a apprécié d’être le visage d’un cas qui avait une telle orientation nationale. Tous les Kenyans pouvaient se connecter à l’affaire, mais les Nubiens marginalisés étaient les agents de la campagne.

Une leçon importante tirée de cette campagne a été l’importance de la coordination entre les contentieux stratégiques qui se déroulaient en parallèle et les revendications et arguments juridiques qui s’y rapportaient. Alors que l’affaire du NRF était en cours, une pétition parallèle a été déposée par Okiya Okoiti et d’autres personnes mettant en doute la légalité procédurale de l’ensemble de la Loi sur les amendements divers. Cette requête a été rejetée parce que le tribunal a estimé que toutes les questions avaient déjà été abordées dans la présente affaire. Ochiel Dudley, avocat dans la pétition parallèle, a noté que « les parties des deux affaires ne se sont pas assises ensemble pour élaborer une stratégie visant à comprendre la théorie de l’autre sur l’affaire, à assurer la cohérence entre leurs différents arguments dans les deux pétitions. Le fait d’avoir le même argument dans les deux affaires a peut-être donné à la Cour une issue facile parce qu’elle n’a pas discuté en détail des questions de procédure dans la deuxième pétition et a automatiquement rejeté la deuxième pétition une fois que la première a été décidée ». Sur la base de cette expérience, les requérants dans les deux affaires discutent maintenant ensemble de la stratégie à adopter pour le recours.

Dans l’ensemble, cette affaire a tissé les bases de la présentation de nombreuses autres requêtes similaires devant la Cour à l’avenir. Ce faisant, non seulement elle a renforcé certains partenariats de longue date entre organisations, mais elle a également créé un nouveau réseau de personnes et d’organisations qui peuvent collaborer sur diverses autres questions relatives aux droits humains.

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